Première semaine de reconfinement à l'Université de Franche-Comté : fiasco total
En septembre, le journal Grand Besançon rapportait des propos du président de l'Université de Franche-Comté, Jacques Bahi, où il affirmait que les locaux seraient adaptés pour permettre la distanciation sociale et que le maximum serait fait. Et, le 6 octobre, sur l'antenne de France Bleu Besançon, il affirmait : « Nous sommes prêts parce que nous avons financé toutes les composantes en matériel de captage vidéo, d'informatique, de réseau... Si demain, nous devons passer en distanciel, en semi-distanciel ou même en confinement, nous sommes tout à fait prêts pour assumer. [...] Nous sommes déjà prêts. Nous avons l'infrastructure et nous avons le matériel. »
L'ensemble de la communauté universitaire a été pour le moins surpris par toutes ces déclarations qui ne correspondaient en rien à la réalité vécue sur le terrain. Non seulement il n'y a eu aucune adaptation des locaux mais le passage au tout distanciel, même s'il était prévisible, n'a pas du tout été anticipé.
Quel bilan après la première semaine d'enseignement 100% à distance ?
Dès le lundi matin, l'un des deux outils préconisés par l'université pour assurer les cours en direct, la plateforme Big Blue Button (logiciel libre), était complètement saturée. Il s'avère que les serveurs de l'université ne pouvaient supporter que 2500 connexions simultanées, la faute à un devis non honoré, alors que l'établissement compte près de 30000 étudiantes et étudiants et plus de 3000 enseignant.e.s en comptant les vacataires. Le moins que l'on puisse dire est que la continuité du service public n'est pas assurée !
L'université a alors demandé de se reporter sur l'autre outil à disposition : Microsoft Teams pour lequel elle a acheté une licence globale, (sauf que la version proposée n'était pas à jour et n'intégrait pas toutes les fonctionnalités nécessaires). L'université publique sous-traite donc la transmission du savoir à une multinationale américaine qui, pour qu'on puisse s'en servir, exige de la part des enseignant.e.s et des étudiant.e.s de fournir deux adresses email (professionnelle et privée) et un numéro de téléphone.
Dans la réalité, on constate que chacun choisit sa plateforme, achète souvent une licence Zoom à ses frais, et que les étudiant.e.s sont perdu.e.s, devant jongler avec parfois jusqu'à 5 outils différents, avec leur propre équipement informatique.
Les personnels eux-mêmes travaillent sur leur propre matériel informatique, le prêt d'ordinateurs portables étant réservé à celles et ceux qui ne sont pas assez bien outillés, au mépris des textes sur le télétravail qui s'appliquent à tous les agents et non aux seules personnes qui en font la demande. Quant aux vacataires, sans lesquels l'université ne fonctionnerait pas, ils sont exclus d'emblée de cette possibilité.
Comme au printemps dernier, on constate qu'un certain nombre d'étudiant.e.s ont complètement décroché. L'université, qui n'est pas fermée, ne semble même pas en mesure d'appliquer partout la circulaire prévoyant de donner un accès aux salles informatiques à celles et ceux qui le demandent.
Une partie des ordinateurs et clés 4G prévus pour aider les étudiant.e.s en « fracture numérique » ne sont pas arrivés. Ces étudiant.e.s sont placé.e.s sur des listes d'attente qui ne cessent de s'allonger. La question de l'isolement et de la détresse (sociale, financière, alimentaire ou psychologique) qui s'était posée au printemps se pose à nouveau, inchangée, alors que nous avons tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises.
L'outil permettant aux personnels d'accéder à leurs logiciels depuis leur domicile a rencontré des problèmes de panne. Les connexions VPN, à l'instar des nombreuses connexions étudiantes, ont très vite saturé les serveurs de l'université.
Le président n'a pas une seule fois communiqué à l'ensemble de sa communauté, déléguant cette tâche aux directeurs de composantes et responsables de service. Cette communication décentralisée, passant subitement du silence radio aux injonctions ultra précises et irréalisables, a créé d'énormes disparités entre les services et composantes et a laissé l'immense majorité de nos collègues dans un profond désarroi.
Pendant ce temps, les classes préparatoires aux grandes écoles et les BTS continuent en présentiel ou expérimentent des solutions mixtes. Ce choix politique de confiner uniquement les étudiant.e.s souligne, avec d'autres événements récents, le mépris du gouvernement pour l'université. Les étudiant.e.s sont sacrifié.e.s.
Quelles conclusions dresser à partir de cette première semaine ?
Alors que la COMUE UBFC a touché 1 million d'euros pour permettre le passage à l'hybridation, tous ces couacs nous questionnent. Nous posons la question : où est passé l'argent ?
Le tout distanciel est clairement la solution de facilité qui révèle l'incurie du gouvernement. Alors que la peur du décrochage a été évoquée pour garder les écoles, collèges et lycées ouverts, elle ne s'est jamais posée pour l'enseignement supérieur. Nous pensons particulièrement aux première année, qui rappelons-le, ont déjà eu la fin de leur année de terminale tronquée et un mois et demi à peine pour se familiariser avec l'université. Nous nous alarmons également pour les étudiantes et étudiants étrangers, qui pour certains ont eu leur visa tardivement et ne sont arrivés qu'en octobre sur notre territoire.
Le fait que les examens pourraient se dérouler en présentiel ressemble à l'aveu que la fin de l'année universitaire 2019-2020, entre inégalités d'accès à internet, logiciels de télésurveillance totalement intrusifs et triche massive, a été un désastre. Mais aucun problème n'est réglé. D'une part, l'université n'étant pas capable d'assurer la sécurité sanitaire de ses personnels et étudiant.e.s, l'application du protocole sanitaire va s'avérer un casse-tête insurmontable, sans compter que l'on va faire se déplacer des étudiant.e.s confiné.e.s loin de leur lieu d'étude. D'autre part, elle ne parvient pas à assurer la transmission des connaissances à distance, ce qui pose une nouvelle fois la question de la fiabilité de ces examens.
Nous défendons une université ouverte, de service public, dès lors que les conditions de fonctionnement sont aménagées pour protéger les personnels et les étudiant.e.s. C'est à l'employeur, l’État, et au président, de garantir ces conditions de travail et d'études.
L'intersyndicale CGT-FSU-SUD de l'Université de Franche-Comté demande un plan d'urgence immédiat pour :
- l'achat de serveurs permettant l'utilisation de Big Blue Button, logiciel libre qui ne requiert aucune installation, qui ne collecte pas les données personnelles, et pour lequel les collègues se sont formé.e.s, ainsi que le recrutement de personnel pour les installer et les faire fonctionner ;
- la fourniture urgente d'ordinateurs portables et de clés 4G à toutes et tous les étudiants qui en font la demande ;
- l'application stricte du décret sur le télétravail dans la fonction publique impliquant la fourniture de tout le matériel informatique et de bureau à tous les agents, non enseignants comme enseignants, qui doivent travailler depuis leur domicile ;
- l'octroi d'une aide alimentaire, de vêtements chauds et de produits de première nécessité à tous et toutes les étudiants en situation de précarité ;
- l'organisation d'examens en présentiel dans le respect de l'équité et des contraintes sanitaires et prenant en compte le mode dégradé dans lequel a basculé l'université.